Le petit pan de mur blanc





"Le petit pan de mur blanc"

Il ne faudrait pas parler longuement d'une oeuvre patiente. Il faudrait écrire rare pour une oeuvre dépouillée. Il faudrait contempler longtemps une oeuvre qui ne doit qu'à elle-même sa présence irrécusable. Yannig Hedel, photographe-dessinateur, montre simplement une oeuvre qui exprime supérieurement l'ordinaire.
Dessinateur ? Peut-être même coloriste... mais coloriste du blanc ! tout son travail typiquement photographique, puisque lié à la lumière, à la douceur, à la dureté du blanc, a cette patience du dessinateur, patience sans illusion qui s'attarde à analyser le visible, qui ne se satisfait pas des riches aspects du réel, mais qui justifie cette réalité (souvent modeste et ... murale) et qui la sacre. Photographe de la nuance de l'éclat de telle ou telle heure, il réitère sans fin cette sacralisation, car c'est quelqu'un qui n'a pas besoin de beaucoup d'espace ; silencieux et grave, il accueille l'unité de la réalité et de l'infini intérieur : Yannig Hedel officie là où les apparences s'effacent devant la forme secrète. Face à cette recherche photographique posée sur un équilibre stable dû à la transgression du médium mais aussi à la soumission à la réalité, le photographe ne dit pas : "Je cherche la beauté...", mais "C'est un petit pan de mur ... ou, c'est une cheminée.." alors que le spectateur regardait un merveilleux dessin abstrait. Ici se pose la question centrale largement débattue pour la peinture abstraite : le merveilleux y existe-t-il ou est-il une idée qui échappe au sens ? En d'autres termes, y-a-t-il quelque chose de plus qu'une forme pure dans une oeuvre abstraite? Si en photographie, la forme est une sorte de justesse visuelle opposée à une validité seulement intellectuelle, il y a encore deux tendances irréprochables, celle qui soutient qu'il n'y a pas de mystère dans une forme et celle qui ne peut comprendre de quoi il retourne et à qui ce vide de mystère fait peur. Yannig Hedel, artiste philosophe, essaie de "se libérer" du poids écrasant du modèle (tel instant très précis s'inscrivant au coeur des pierres des villes) pour lui donner son expression autonome dans un instant de son apparence, mais pour lui, rien n'est justifié, rien ne sert, il lui importe juste qu'il fasse ce qu'il doit faire.

Madeleine Millot-Durrenberger , 29 Mai 1993.